Critique : Beginnings
par Vladan Petkovic
- BERLINALE 2025 : Le deuxième long de Jeanette Nordahl, un drame familial raffiné et bien ancré auquel tout le monde peut se rapporter, est porté par la prestation hors pair de Trine Dyrholm

La réalisatrice danoise Jeanette Nordahl propose un nouveau drame familial nordique remarquablement concis. Son premier long-métrage, Wildlands [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Jeanette Nordahl
fiche film], témoignait déjà de son sens de l'économie narrative et de son talent pour les portraits psychologiques nuancés. À présent, porté par l'interprétation de l’immense Trine Dyrholm, Beginnings [+lire aussi :
interview : Jeanette Nordahl
fiche film] a fait sa première mondiale dans la section Panorama de Berlin.
Dyrholm joue ici le rôle d’une biologiste marine nommée Ane qui est en train de se séparer de son mari Thomas (David Dencik, vu récemment dans Together 99 [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film] et The Kingdom Exodus [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Asta Kamma August
interview : Hubert Toint et Mark Denes…
fiche série]), assistant social dans un centre pour les jeunesen difficulté. Ils n’ont toujours pas annoncé la chose à leurs filles, l'aspirante gymnaste adolescente Clara (incarnée par la remarquable débutante Bjørk Storm) et Marie (Luna Fuglsang Svelmøe), dix ans, car ils doivent d’abord décider comment les choses vont fonctionner après que Thomas aura emménagé avec sa nouvelle petite amie et collègue Stine (Johanne Louise Schmidt).
Les premiers dialogues entre Ana et Thomas ne tardent pas à trahir le ressentiment et l'irritation qui vont de pair avec un amour passé, fané, mais ils sont par ailleurs tout à fait d'accord et souhaitent tous deux rendre les choses aussi faciles que possible pour les enfants. Une scène, simple mais tranquillement puissante, met en avant la conscience qu'a Ane de sa beauté désormais étiolée. Quand, soudain, elle fait un AVC et se retrouve avec la moitié gauche du corps entièrement paralysée, Thomas décide de rester à la maison jusqu’à ce qu’elle aille mieux, mais sa frustration est évidente. Pendant ce temps, Stine semble armée de patience et très compréhensive, mais ici comme de manière générale dans le film, Nordahl compte sur le spectateur pour discerner ses sentiments profonds.
Quand Ane revient de l’hôpital, elle est distante, amère et en colère, comme l'illustre une scène de déjeuner en famille douloureusement inconfortable. La situation affecte particulièrement Clara. Quant à Thomas, exaspéré, son côté critique l’emporte sur sa compassion, ce qui donne au public un bel aperçu de la manière dont son esprit fonctionne.
Au fil des séances de kinésithérapie, Ane retrouve doucement sa force physique et sa résilience émotionnelle, transformant l'amertume en énergie rancunière. Le travail de Dyrholm ici est audacieux et brut : la femme qui faisait sans problème de la plongée dans la scène d’ouverture doit maintenant déployer des efforts énormes dans la piscine, avec une seule moitié de son corps pour nager. Cependant, elle reprend pied, peu à peu, et Thomas comme elle-même se rappellent soudain qui ils étaient avant. Une tendresse et une proximité qu’ils n’avaient clairement pas ressenties depuis des années se réveillent. Mais peut-être qu'Ane, motivée, ignore ce dont elle est capable exactement, ce qui conduit à un troisième acte qui refroidit nettement.
À partir d’un scénario ferme et précis coécrit avec Rasmus Birch (Acts of Love [+lire aussi :
critique
interview : Jeppe Rønde
fiche film], Miss Viborg [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Marianne Blicher
fiche film]), Nordahl compose un film sophistiqué, mais simple et pondéré, d'où jaillissent à des moments soigneusement placés dans le récit des éclairs de poésie et d'humour. Le chef opérateur Shadi Chaban filme de manière classique les intérieurs comme les extérieurs, avec des éclairages qui restent naturels et une prédominance de teintes froides légèrement passées, permettant à quelques plans de se démarquer par leur mise en scène complexe dans les moments psychologiques clefs. Le montage sensible de Rasmus Gitz-Johansen reflète bien l’équilibre précaire de l’esprit d’Ane, ainsi que le parcours tendre mais mouvementé de Clara et Marie, forcées de grandir dans ce contexte d'adversité émotionnelle.
Nordahl et Birch, qui ont manifestement une compréhension fine de l'expérience humaine, savent exactement la mesure de ce qu’il faut montrer et de ce qu’il ne faut que suggérer. Ils brossent ainsi le tableau convaincant d’une situation familiale complexe à laquelle absolument tout le monde peut se rapporter.
Beginnings a été coproduit par Snowglobe (Danemark), HOBAB (Suède) et Lemming Film (Belgique). Les ventes internationales du film sont assurées par REinvent.
(Traduit de l'anglais)
Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.